Observations du Consortium pour l’équité en matière de diagnostic (DEC) lors de la Convention spéciale de l’ASLM sur le diagnostic
7 Nov 2024, Abidjan, Côte d’Ivoire
La Commission du Lancet sur les diagnostics a constaté un très grave manque de diagnostics essentiels dans les pays à faibles et moyens revenus et a conclu qu’environ 47 % de la population mondiale n’a qu’un accès limité, voire inexistant, aux diagnostics. Cette inégalité affecte gravement la population africaine. Le Consortium pour l’équité en matière de diagnostic (DEC) est un mouvement dirigé par la société civile qui plaide pour un accès plus large aux diagnostics essentiels afin de combler ce fossé mortel.
Le DEC a constaté les progrès considérables réalisés dans le développement de nouveaux outils et stratégies de diagnostic, en particulier dans le domaine de la tuberculose, qui pourraient permettre d’atteindre les objectifs de couverture diagnostique fixés par les pays africains lors de la réunion de haut niveau des Nations unies sur la tuberculose. Nous sommes également ravis de la ratification, par les États membres africains, de la résolution de l’Assemblée Mondiale de la Santé (AMS) 2023 sur l’expansion des capacités des réseaux nationaux de diagnostic. En outre, nous sommes ravis de la dynamique visant à élargir l’accès aux diagnostics dans la région et nous félicitons l’ASLM pour son leadership, ses réunions et le soutien technique qu’elle apporte aux pays.
Le moment n’a jamais été aussi propice pour faire avancer l’agenda du diagnostic au plan global. Toutefois, nous constatons que les gouvernements africains n’accordent toujours pas la priorité au financement et à l’allocation de ressources aux réseaux nationaux de diagnostic. Cela fait plus de 20 ans que le secteur public assure le programme de lutte contre le VIH, mais l’absence d’intégration dans les établissements de santé et les laboratoires, ainsi que le cloisonnement vertical des maladies, perdurent. Il est surprenant qu’en 2024, les programmes de soutien des donateurs n’aient pas encore totalement intégré la collecte et le transport des échantillons.
Nous nous réjouissons d’entendre davantage de discours sur les dépistages centrés sur la personne, mais nous attendons toujours les changements nécessaires pour réduire le fardeau qui pèse sur les populations, notamment l’envoi numérique des résultats de laboratoire aux patients, la décentralisation des tests, l’adoption des tests auto-administrés comme objectif, l’élimination des frais à la charge du patient et la garantie que les diagnostics essentiels sont couverts par les régimes nationaux d’assurance-maladie. Nous constatons également avec inquiétude que les distributeurs locaux appliquent des marges de bénéfice élevées et que les contrats d’approvisionnement et de maintenance sont trop coûteux, ce qui a un impact négatif sur le coût et la disponibilité des kits de dépistage.
Encore plus grave, le rôle de la société civile et des communautés reste faible voire inexistant dans la planification et la prise de décision en matière de diagnostic au niveau national.
Nous demandons donc à tous les directeurs de laboratoire ici présents, ou à leurs représentants, de s’efforcer de respecter les engagements pris dans la résolution de l’AMS sur le diagnostic. Au pire des cas, les pays devraient élaborer une liste nationale des diagnostics essentiels (LDE) et des plans stratégiques nationaux de diagnostic – toutes maladies confondues. Il ne s’agit pas d’un plan de laboratoire national. Il s’agit d’un plan visant à étendre la disponibilité des tests essentiels aux soins de santé primaires et secondaires.
Nous appelons également les directeurs de laboratoire et les directeurs de programme du ministère de la santé à consulter les représentants de la société civile et les communautés. Après tout, nous sommes vos meilleurs alliés pour le renforcement de la sensibilisation, de l’alphabétisation, de la création de la demande et de l’utilisation des tests dont nous disposons. Nous sommes également vos meilleurs alliés pour la réussite des plaidoyers en faveur des dépistages et prestations de services abordables, adaptés et efficaces, dont nous avons besoin à tous les niveaux de soins.
Pour la tuberculose en particulier, nous appelons les pays à se préparer et à planifier dès maintenant l’introduction et le déploiement de nouveaux diagnostics innovants sur le site de soins et/ou près du site de soins, une fois sortis du pipeline.
Les décisions relatives à l’emplacement et à la distribution de ces nouveaux outils ainsi que les plateformes moléculaires au sein des réseaux nationaux de diagnostic doivent être basées sur la proximité (vu l’importance de la décentralisation), l’urgence (vu le nombre de décès inutiles dus à la tuberculose), et l’opportunité de répondre aux besoins de la tuberculose ainsi qu’à ceux des autres problèmes de santé par le biais de dépistage multiplex.
En tant que société civile et communautés, nous voulons aider le gouvernement à développer des plans de déploiement pour les dépistages sur de nouveaux sites de soins et/ou à proximité des sites de soins, afin couvrir tous les centres de soins de santé primaires. Nous voulons aider le gouvernement à élaborer des plans de déploiement de nouveaux diagnostics moléculaires de la tuberculose moins complexes, de préférence multiplex, dans chaque établissement de soins de santé secondaires. Nous demandons que les PNT et les directeurs des laboratoires nationaux organisent des fora/consultations nationaux pour élaborer conjointement ces plans.
Pour obtenir des prix abordables négociés avec le secteur de l’industrie, nous devons faire preuve d’ambition dans notre planification. Si la demande est forte, si l’ambition est grande et si les volumes de commandes sont importants, nous obtiendrons un prix plus abordable que si nous restons lents et faibles dans notre déploiement. Nous devons faire en sorte que ce prix abordable de demain le soit dès aujourd’hui.
Rappelons également que le pipeline propose des alternatives solides au monopole de GenXpert, ce qui permet aux gouvernements d’avoir davantage d’options en fonction des besoins de leur population et de la capacité de leur réseau.
Nous demandons à l’industrie de fournir et aux acteurs de la santé mondiale de garantir : premièrement, l’octroi de licences pour ces technologies prometteuses et le transfert de technologie pour permettre la fabrication régionale ; deuxièmement, la transparence des prix des outils de diagnostic et des produits connexes ; et troisièmement, un forum de l’industrie pour que les gouvernements africains et la société civile aient la possibilité à la fois de communiquer les résultats de leurs recherches et les lacunes constatées sur les besoins de santé en dehors du sida, de la tuberculose et du paludisme, et d’adresser collectivement la question de marges bénéficiaires des distributeurs locaux et les insuffisances dans l’exécution de leurs contrats de service et d’entretien.
La société civile, pour sa part, s’engage à renforcer les connaissances en matière de diagnostic au niveau communautaire, à préparer nos communautés aux nouveaux diagnostics afin d’améliorer la demande et leur utilisation, et à relayer les expériences et les besoins des communautés auprès des responsables, y compris les directeurs des laboratoires nationaux, les responsables des programmes du ministère de la santé, les CCM du Fonds mondial, les acteurs de la santé mondiale, les donateurs et l’industrie.
Sachez que le Consortium pour l’équité en matière de diagnostic (DEC) est votre allié et qu’il s’engage à travailler avec tous les partenaires et à leur demander des comptes afin de garantir que les communautés ont accès à des diagnostics de qualité, abordables et adéquats, de façon durable.
- Prononcé par Tapiwa Kujinga, directeur exécutif du Mouvement panafricain pour l’accès aux traitements (PATAM) et co-organisateur du Consortium pour l’équité en matière de diagnostic, lors de la session plénière de la Convention spéciale de l’ASLM sur le diagnostic, le 7 novembre 2025, à Abidjan, en Côte d’Ivoire
Contactez DEC
Tapiwanashe Kujinga, Emal : tapiwanashek@gmail.com| Téléphone : +263 77 231 8638
Sharonann Lynch et Alice Kayongo, codirectrice et associée principale, Center for Global Health Policy & Politics (GHPP), O’Neill Institute for National and Global Health Law, Université de Georgetown. Email : sharonann.lynch@georgetown.edu | Téléphone : +1 646 824 3066